• Récits

    Insolite

      

    Au Souk de Sélouane 

    Jaafar Hanafi 

      

    Un réveil crispé, en l’absence du café matinal, le mois sacré oblige. 

    Une heure pus tard, vers 11 H, j’étais plein dedans dans une ambiance inégalé, en une journée hivernale fraîche, transpercée par des rayons de soleil qui butent droit sur un sol poussiéreux. 

    Des centaines de clients, des dizaines de vendeurs, autant de brouettes, une vraie fourmilière à l’échelle humaine. 

    La première rangée est réservée pour les camions. Savamment alignés, ils exhibent leurs derrières pour le bonheur des amoureux des pommes de terre. « Abatataaa… », crient, à tour de rôle ou concomitamment, les vendeurs. Sitôt une pesée achevée, le vendeur enchaîne : « Amoulmicaaa… ». Un petit garçon de 7 ans est le premier sur la ligne d’arrivée. Il offre son sachet en plastique et réclame : « Doro » (cinquante centimes). Le Doro encaissé, il rebrousse chemin en quête d’un autre Doro. 

    Les autres rangées regorgent de couleurs, de fraîcheur, de vie…Chaque légume vante ses mérites. Les fruits font autant, surtout les fruits de saison. Ce jour là, la grenadine et la mandarine font la une du souk. La pomme en provenance de Midelt essaye à son tour de se positionner dans une rude concurrence, comme la banane d’Agadir. Mais les produits du terroir se maintiennent largement en tête. 

    Un peu plus loin, les étals de viandes. Carcasses d’agneaux cachetées de rouges, ou de chevreaux cachetées de bleu pour faire la différence, exhibent majestueusement leurs virilités, un impératif pour gagner la confiance de la marmite. Les plus connaisseurs des gourmands optent pour les chevrettes originaires de Ain Zohra ou Hassi Berkane. 

    Encore plus loin, le rayon du poisson. D’autres produits, et d’autres cris : « Assardine N’Bouyaffaaa…r ». Les vendeurs ont toutes les raisons du monde pour scander leur produit à cor et à cri : La sardine de Bouyaffar est la meilleure de la planète. Cela ne plairait aucunement à Beni Sidel, Amejjaou, Boudinar et autres communes ayant pieds sur la méditerranée. Tant pis pour eux. La sardine de Bouyaffar est la meilleure de la planète. 

    Elégante, gracieuse, taille mannequin, tunique argentée pour dissimuler une peau blanche neige, la sardine de Bouyaffar s’accommode à toues les situations : sur feu de bois, en four micro onde ou sur une  cuisinière classique…, elle est capable de faire baver Bouddha dans sa tombe…, s’il y est toujours ! 

    La sortie du Souk regorge de produits emballés : de l’huile de table jusqu’au Yaourt made in Beni Drar, avant du buter droit sur un autre monde : le marché aux puces. Mille et une pièces étalées sur le sol : de celles servant à un petit quelque chose à celles ne servant absolument à rien. Ci et là, un « médecin » toutes spécialités confondues, guérissant toutes maladies confondues. Chacun vante ses mérites au travers d’un haut parleur. 

    Difficile de conter le Souk en quelques mots. A l’instar des autres dans notre province, le Souk reste le lieu public le plus approprié pour se rencontrer, flâner, faire ses courses... 

    Après plus de deux heures, toutes les forces étaient épuisées pour rebrousser chemin, trimballant avec fruits, légumes, autant de poussière et un bourdonnement aux oreilles : Abatataaa….