Que deviendra-t-il du littoral méditerranéen après l’achèvement de la rocade méditerranéenne? 

Le développement du réseau routier revêt une grande importance dans la promotion de l’économie locale et régionale ; il est par conséquent une des conditions primordiales pour la réalisation d’un décollage économique.

Le désenclavement des zones ayant des potentialités naturelles et  humaines ne peut qu’encourager l’investissement et générer des activités économiques touchant divers secteurs.

C’est dans ce sens qu’il a été décidé de construire  la route côtière entre Tanger et Saïda sur le littoral méditerranéen et qui  sera opérationnelle  dans moins de deux ans.

Cette artère aura sans doute des effets bénéfiques sur l’économie de la région surtout que le littoral nord  constitue avec ses belles plages, ses sites historiques et ses merveilleuses montagnes et forets des potentialités touristiques extrêmement importantes.

Le nord du Maroc délaissé pendant des décennies, par sa position géographique, ses richesses naturelles et humaines pourront voir un progrès remarquable si l’on investit davantage dans les infrastructures de base et l’on procède à la souplesse des mécanismes  permettant d’encourager l’investissement dans la région.

D’autre part, plusieurs interrogations se posent sur d’autres effets non souhaitables que peut avoir ce projet de  la rocade méditerranéenne : n’aura-t-il pas d’impacts négatifs sur les plans : urbanistique et environnemental?

La réponse, malheureusement comme le montre le cas de l’Espagne, est  inquiétante ; si les mesures adéquates  ne soient pas prises dès maintenant le devenir spatial et écologique de cette région risquera d’engendrer une situation  irréparable.

Par conséquent, prévoir ce futur, faire des scénarios, planifier et intervenir afin d’éviter le pire est un devoir moral que nous devons aux générations futures à qui nous allons transmettre un territoire dont nous sommes responsables aujourd’hui.

En effet la sonnette d’alarme doit être tirée dès maintenant et ceci pour plusieurs raisons :

·          Ce joli littoral du nord, comme c’est le cas dans le monde entier  attire toujours la population en nombre croissant, tout le monde aime y avoir une résidence secondaire, chacun veut sa vue sur la mer.

·          Pour la même raison cette frange littorale qui est  dotée d'importantes ressources d'intérêt touristique et halieutique verra se développer une urbanisation galopante surtout de type touristique; un tourisme de masse est envisageable.

·          La quasi-inexistence du réseau routier liant la rocade et les douars des communes limitrophes ne fera qu’accentuer l’émigration de la population pour s’installer le long de cette bande littorale. Une croissance migratoire rapide en provenance de ces agglomérations est très attendue surtout que dans la majorité des cas beaucoup de groupements d’habitations sont inaccessibles (cas des douars des communes d’Amejjaou, de Boudinar de Oulad amghar, de Trougout…).

·          Un flux migratoire important en provenance d’autres provinces est à prendre en considération puisqu’il y aura plus de chances de trouver un emploi dans les secteurs de bâtiment, de commerce, de tourisme…

Par conséquent, après quelques années, on assistera à une forte occupation déstructurée du littoral : de nouveaux villages vont surgir le long de cette bande dans des conditions urbanistiques et environnementales désastreuses. Le phénomène urbain envahira  et gagnera sur la campagne en dégradant les paysages et les écosystèmes par  des agglomérations  éclatées dénaturées démunies en équipements de base et facteurs d’augmentation des sources de pollution du littoral.

Bref, cette nouvelle situation aura des conséquences néfastes sur le paysage et l’environnement du littoral méditerranéen.

Ipso facto, il est désormais impératif de prendre des mesures urgentes, simples et efficaces qui permettent à la fois d’encourager les investissements le long du littoral  et de protéger cette bande  des effets non souhaitables de l’urbanisation générée par les chances offertes par cette rocade.

Arrêter l’avancement du béton est impossible et inacceptable, mais créer des conditions favorables respectant les règles urbanistiques et environnementales pour la préparation à la création des agglomérations dans les milieux adéquats peut entraîner un changement acceptable dans la région.

Créer un climat adéquat conjuguant d’une manière harmonieuse l’investissement et la protection de l’environnement c’est concilier entre le développement socio-économique et l’écologie. Par conséquent participer à un développement qu’on peut qualifier de « durable ».

Il est donc impératif que tout le monde soit responsable et sensé s’impliquer dans cette affaire de développement durable le long de cette bande littorale : l’Etat est une partie prenante mais la responsabilité doit être assumée aussi par  les collectivités locales, les secteurs productifs, les entreprises, la société civile…

Pour éviter le pire, de nombreuses mesures urgentes doit être prises entre autres :

·          Instauration d’une loi du littoral qui encourage l’investissement dans des conditions respectant les règles urbanistiques et environnementales relatives à cette frange littorale.

·          Limiter les zones réservées à la création des villes et des villages le long de cette côte, les équiper en infrastructures de bases et les protéger des spéculations foncières.

·          Renforcer le réseau routier dans les communes du littoral et désenclaver les agglomérations non desservies tout en les liant à la rocade méditerranéenne afin de décliner la migration de la population vers le littoral.   

La liste des mesures ne s’arrête pas là, pour cela tout le monde est appelé à réfléchir, à participer et à élaborer un plan de sauvegarde de cette région.

Je termine par le fameux proverbe indien qui dit: « La terre ne nous appartient pas, ce sont nos enfants qui nous la prêtent »

El Hadi Ouarti